• lecture : Au sud de l’Est n° 2, Revue biannuelle

     

    « Donner à voir l’au-delà des frontières », telle est la généreuse perspective de cette revue consacrée aux cultures des Balkans. De cette région d’Europe si diverse, de ces « espaces de liberté » si ouverts nous parviennent « l’humour, l’insolite, le sens de l’absurde et une certaine façon d’être en phase avec le monde », selon les mots d’Anne Madelain, rédactrice en chef. Il nous reste à accueillir et à faire nôtres ces formes culturelles, ce à quoi contribue efficacement Au sud de l’Est dans ses différentes rubriques.

    Une tentative de situation, d’abord, dans le contexte européen, fort spirituellement synthétisée, entre autres, par Andrei Plesu à propos du « Sprit », boisson née en Autriche et en vogue dans le « Royaume balkanique », définissant la Roumanie comme « un moyen terme entre l’Europe centrale et l’Europe balkanique ». Condition d’une entente entre des entités diverses : le dialogue (mis en avant par Rusmir Mahmutcehajic), mais aussi la préservation des spécificités, pittoresquement revendiquée par Silviu Purcarete : « Je me fous de l’Europe s’il n’y a pas de palinka ! » (ou de tuica, ou de schlivowitz – eaux-de-vie locales).

     

    Le chapitre « Transversales » évoque les réseaux culturels et différents centres à Sofia et à Belgrade. Le dossier central du volume, intitulé « Musique et Identité », fournit de très intéressants articles sur la musique en Bulgarie, entre folklore et modernité, sur le « Svedah », chanson populaire de Bosnie-Herzégovine devenue véritable genre musical, sur la musique tzigane… Un entretien avec Goran Bregovic permet au fameux compositeur de qualifier sa musique de « contemporaine ». Un autre dossier nous fait découvrir « Le Pays des lacs partagés », « profané » par l’absurdité des frontières instaurées, au XXe siècle, entre Albanie, Macédoine et Grèce, un pays pourtant uni par son « passé lointain », selon Bernard Lury.

    Des poèmes de Lasgush Poradeci, des photos de Klavdij Sluban, les réflexions d’un oiseau sauvage traduites par Jean Gardin, une évocation d’Éluard donnent à ces pays leur dimension esthétique et astrologique. La partie proprement littéraire prend la forme de deux nouvelles de Danilo Kiš et d’extraits de romans de trois jeunes écrivains de Iasi (Roumanie), Florin Lazarescu, Dan Lungu et Lucian Dan Teodorovici, le tout complété par des chroniques et des présentations d’ouvrages, sans oublier les belles photos et les renseignements utiles (discographie, calendrier de manifestations…).

    Une solide revue, éclectique à l’image de la région à laquelle elle est consacrée, à connaître et à faire connaître. Le numéro 3, tout aussi riche, est annoncé pour l’été 2007.